Rectificatif Hommage à Georges Luemba

Publié le par Célestin S. Mansévani

Rectificatif
Hommage à un homme extraordinaire, Georges Luemba

N.B. Il n’est jamais facile de remonter quarante ans plus tôt dans ses souvenirs.

J’espère que vous ne m’en voudrez pas d’apporter quelques ajustements à mon dernier texte.

Tout à fait par hasard, je suis tombé sur une page de Wikipedia où l’on parlait d’un certain Grégoire Lwemba, ancien bourgmestre de la commune de  N'Djili à Kinshasa dont on ne disposait pas de beaucoup d’informations. C’est pourquoi, l’ayant bien connu pour avoir travaillé pendant quatre ans sous ses ordres, dont deux ans en qualité de son secrétaire, je me permets d’éclairer la lanterne des internautes à son sujet.
Il  ne s'appelait pas Grégoire mais Georges Gertz Luemba Mwe-di Nzanza. Son père, un Belge, que je n’ai pas connu, se nommait Gertz. Sa mère devait s’appeler Nzanza, une Congolaise de l'enclave de Kabinda. Son épouse, Marie-Thérèse Sengo, fille d'un commerçant portugais du nom de Bravo. qui avait habité jadis  Thysville (voir Thysville Caves - Wikipedia, the free encyclopedia), actuel Mbansa-Ngungu, et qui avait été gardien de buts de l’équipe interraciale de son époque, avait étudié dans la même école primaire (Ste-Thérèse)  que Marie Josée, l’une de mes grandes sœurs. Je l’ai appris plus tard. À l’époque, le couple avait trois enfants, deux garçons: François et Jojo, ainsi qu’une fille, Annie. Ils ont eu un ou deux autres enfants après. C'est monsieur Georges Luemba qui, en 1965, me demanda de devenir secrétaire de la commune de N'Djili alors que je que je travaillais depuis un an sous ses ordres en qualité de journaliste reporter au Ministère de l’Information de la province du Kongo Central dont il était secrétaire général. J’étais à peine âgé de 23 ans. C’est sous lui que j’ai appris les premiers rudiments du métier de secrétaire. Grâce à lui, j'ai pu mettre mes leçons d’écriture apprises de mes études collégiales à l’œuvre. Je devais en effet rédiger ses lettres et  ses discours ainsi que les compte-rendus des réunions du conseil communal. Tout cela s’est écroulé en 1967. Monsieur Luemba a eu des problèmes avec l'accession du président Mobutu au pouvoir. Lors du premier vote présidentiel tenu sous la bannière du Mouvement populaire de la Révolution (voir Popular Movement of the Revolution), toutes les communes ont voté à plus de 95 pour cent – on sait pourquoi - pour Mobutu. Seule la commune de N'Djili a voté pour seulement 70 pour cent. Mobutu a mal pris la chose. Comme cette commune était habitée à 80 pour cent par des Bakongo d’une part, et que Luemba avait été secrétaire général de la J.A.B.A.KO., l'aile jeunesse de l' ABAKO - Wikipedia, the free encyclopedia) d’autre part, Mobutu l'a accusé d'avoir saboté les élections en remplaçant des membres des bureaux de vote qui manquaient à l'appel une semaine avant le jour des élections. Or, cette erreur provenait de l'Hôtel de Ville, dirigé par le Colonel Efomi, gouverneur militaire, nommé par Mobutu lui-même( voir Mobutu Sese Seko: Biography from Answers.com). Nous avions reçu des ordres de l'Hôtel de Ville de Kinshasa de nommer les membres des membres et assesseurs de bureaux de vote manquants. C'est ce que Luemba fit en faisant appel à des agents communaux tous intègres. La liste de ces remplaçants avait été préalablement soumise à l'Hôtel de Ville qui l'avait approuvée. Monsieur Luemba a donc été arrêté et emprisonné arbitrairement sans procès. Lors de la première visite que je lui ai rendue à la prison de Makala (voir Prison de makala : le tour des lieux ) où il était interné, il ne savait même pas pourquoi il avait été mis aux arrêts. J’en ai parlé discrètement à certains amis journalistes. Comme c'est quelqu'un qui était très populaire, la presse s'est mise à s'interroger sur son sort. Un premier procès a eu lieu au bout de quelques mois. On lui a alors fait connaître les griefs qu'on lui reprochait et on lui a remis des copies des documents que le Procureur de la République avait brandis devant les juges du Parquet de District. Lors de ma deuxième visite, il m’a fait lire ces documents. Je lui ai rappelé les lettres reçues de l’Hôtel de Ville, lesquelles  qui nous avaient enjoint de nommer les membres des bureaux de vote manquants sous peine de représailles. Il les avait lues mais ne s’en souvenait plus très bien. Je suis revenu le voir le dimanche suivant avec toutes les copies de ces fameux documents. Il m’a alors étreint et m’a juré de garder le silence sur l’identité de l’agent communal qui lui aurait remis ces documents. Il faut dire que j’ai pu profiter du fait que son remplaçant n’avait pas encore été désigné et que j’assumais provisoirement l’intérim du bourgmestre. De toute façon, le secrétariat était sous mes ordres. À cette époque, tout le monde avait peur des réactions du président Mobutu après ce qui s.était passé le 30-Mai 1966 Évariste Kimba et ses espions rôdaient partout, soi-disant débordant de zèle mais en réalité avides de de billets de banque. J’ai donc pris là un gros risque. Mais je pouvais lui faire confiance car c’était un homme de parole et il me considérait comme son fils. Lorsque le jour de la seconde audience est arrivé, monsieur Luemba a refusé l’avocat qu’on lui imposait, disant qu’il n’en avait pas besoin. C’était la consternation pour les journalistes dans la salle. Il a alors remis au juge toute la correspondance échangée avec l’Hôtel de Ville. Ce fut un véritable coup de théâtre. Les juges n’en revenaient pas ! Les journalistes criaient tellement fort que le juge a dû imposer le silence à maintes reprises. Le gouverneur militaire Efomi s’était fait tout petit. Monsieur Luemba a été relâché sur-le-champ. Il a été immédiatement ramené chez lui dans sa tenue de prisonnier. Les responsables de la prison de Makala lui ont fait suivre ses effets personnels plus tard. Monsieur Luemba est demeuré chez lui plusieurs années. Il avait un camion benne et avait décroché un contrat à la Ville pour la réfection de la route de Dingi-Dingi. Elle n’existe pratiquement plus aujourd’hui. C’était quelqu’un de très sobre et très bien organisé. J’étais désormais réalisateur à l’ex-Télé-Zaïre (1971) (voir CFI - Africa - Democratic Republic of Congo). On ne se voyait plus souvent mais je lui ai rendu quelques visites à l’occasion. J’étudiais en France lorsque l’un de mes fils, Jubilé Mansevani, aujourd’hui âgé de 35 ans,  a eu son baptême. C’est lui qui en fut son parrain. Lui et son épouse s’étaient déplacés pour assister aux festivités dans la commune (zone) de Limete où ma famille demeurait. Plus tard, j’étudiais à l’université Laval lorsque j’appris qu’il s’était présenté aux élections nationales contre  Kisombe Kiaku-Mwisi  (lesoftonline.net) pour représenter la Ville-province de Kinshasa  (voir L'Observateur RDC - Hôtel de ville de Kinshasa) au Parlement. Il l’avait remporté et était devenu député national par vingt-cinq mille voix majoritaires sur son concurrent. Monsieur Georges Luemba est resté très près des résidents de sa commune. Il assistait à toutes les veillées funèbres de ses concitoyens, peu importe leurs provinces d’origine. Lorsqu’il s’en allait en ville, étant donné les problèmes de transport que vivaient ses concitoyens, il s’arrêtait à l’un des  arrêts d’autobus et embarquait gratuitement dans sa voiture quatre passagers sans forcément les connaître et les déposait au Grand marché de Kinshasa. Du jamais vu!  M. Luemba est décédé depuis. Je l’ai appris de tierces personnes. Néanmoins les N’Djilois dignes de ce nom s’en souviennent et ont honoré sa mémoire en baptisant l’artère principale de leur commune «Boulevard Georges Luemba» Il l’a bien mérité. 

Par Célestin S. Mansévani.

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