Souvenirs du Stade du 20-Mai.

Publié le par Célestin S. Mansévani

Souvenirs du Stade du 20-Mai - corrigé.

Je sais que vous êtes de plus en plus nombreux à me lire. Si je parle souvent de moi dans mes articles, ce n’est nullement par arrogance. Mon blog me sert à partager mes propres souvenirs en regard d’événements dont j’ai été témoin par le passé ou d’amis et collègues d’enfance. J’estime que, malgré nous, tous, nous faisons partie de l’histoire de notre pays. Ceux qui sont abonnés à Facebook savent combien les gens adorent retrouver des parents et amis d’enfance dont ils n’ont plus de nouvelles.  Étant un adepte de l’originalité, je m’efforce de donner un cachet particulier basé sur des bobards et des chansons qui ont accompagné ceux-ci. Je me suis constitué pratiquement un musée de notre musique des belles années, environ cinq mille oldies. Ceux qui viennent faire un tour chez-nous sursautent lorsqu’ils entendent l’une ou l’autre chanson qu’ils ne croyaient ne plus jamais entendre. Certains me proposent de leur en passer. Je leur réponds gentiment : « Qui me dit que okokende kosala piratage te ? Naboi » C’est exclusif, c’est pour ma collection personnelle. Tout à l’heure, j’écoutais la chanson « Place aux vedettes » de l’orchestre Bella-Bella. En ce moment j’entends la voix de Michel Boyibanda : »

    Thérèse nakokanela, oh, oh ! Abotoli ngai mobali nalingaka, oh,oh !.

     Nakoluka nganga oh, oh ! Akangela ngai mpungu mpo na Tété…

Que voulez-vous ? J’ai une âme d’artiste.  « Un artiste un jour ; artiste toujours » !

Si un jour je réalise des films sur la R.D.C. de mes vieux souvenirs, il faudra que la musique y joue un rôle primordial. Chaque chanson me rappelle un événement ou une époque de mon propre passé. Lorsque je tombe sur un article intéressant en rapport avec mes vieux souvenirs et ma vie actuelle professionnelle, je n’hésite pas non plus à sauter sur l’occasion. Au final, j’ai choisi de faire de mon blog un rendez-vous où l’histoire, la culture et, de temps à autre, l’humour font bon ménage.

 

Notre sujet du jour est le Stade du 20-Mai à Kinshasa. Je pense qu’il  devrait être déclaré monument historique. Et pour cause ! Cet amphithéâtre a été témoin de plusieurs événements qui ont marqué l’histoire de notre pays. Je vais cependant me limiter à ceux qui ne font pas partie de l’éternelle rivalité Vita-Imana-Bilima ainsi qu’à ceux que je considère comme étant les plus importants au plan historique dont ceux en rapport avec la politique.

Avant de passer au menu principal, j’aimerais quand même rendre hommage à des amis et connaissances qui ont soit grandi soit résidé au quartier Immo-Congo. Certains sont décédés et d’autres encore en vie :  Lita Bembo alias Kolo Kuanga, artiste musicien de l’orchestre Stukas Mombombo ;  Freddy Mayaula Mayoni et Mayanga Adelar alias Good Year, tous deux joueurs de F.C. V. Club et des Léopards, Charlotte Mangelesi  et Cécile Mombong Nkerr, ex. speakerines ; Francis Pezo, un collègue lors de mon premier stage à l’O.R.T.F en France en 1970.  Mon plus triste souvenir est celui de ma première fiancée, Émilie Kansietoko, un amour impossible qui a été sabordé par mes parents. Elle habitait juste derrière le stade au quartier du 20-Mai. Elle est morte plus tard. Sa vie après moi n’a pas été faite de roses, hélas ! Mais je ne la condamne pas. Ceux qui connaissent les chansons « Maseke ye meme » et « Libanga na libumu » de l’orchestre Negro-Succès me comprennent.

Bon. Revenons à notre sujet principal ! Dans les années d’avant l’indépendance, le Stade Tata Raphaël a accueilli des équipes de football en provenance de plusieurs pays qui venaient croiser le fer avec nos Lions de l’époque. Un jour, je fus coincé dans la foule qui se bousculait aux guichets pour acheter des billets. Je faillis être étouffé. J’étais encore trop jeune pour me rappeler les plus grands rendez-vous de l’époque. Cependant, j’entends encore cette chanson d’avant match  dont la voix du Grand Kallé:

Matinda namoni na photo, naloti muan.ango. oh Matinda

      Matinda, talela ngai likambo te oh na mus gentil…

J’ai encore frais dans la mémoire l’image du joueur Gaston Nganga alias Daffirma qu’on évacuait sur une civière après qu’il eût été victime d’un tacle d’ Enkoti alias De la Coco, frère de Mondenge alias Chérin, tous deux du F.C. V.Club. J’étais là également le 4 janvier 1959, pendant les vacances de Noël,  lors du match qui a déclenché des événements tragiques au cours desquels des voitures d’expatriés ont été  brûlées, des magasins ont été saccagés et pillés et des étrangers de race blanche ont été molestés. À l’époque, je résidais sur Opala 86 au coin de Birmanie, en face du dispensaire de la Croix-Rouge. J’ai eu très peur en voyant tous ces pilleurs dont certains, ayant saccagé les magasins de Foncobel, transportaient des frigidaires sur les épaules. J’ai vite regagné notre domicile. Le craignais la répression. D’ailleurs un Portugais venait d’abattre un voleur.

Après l’indépendance, je me souviens d’une mini-foire qui s’est tenue à l’un des parcs 1 ou 2.  C’était avant la création de la FIKIN, à l’époque de la sortie des chansons « Catherine Ndoki » et « Zuani nabala na mbongo » Il y eut aussi le match au cours duquel Kiala alias Petit Pus alias De Coulon, le frère de Julien Kialunda, s’est fracturé la jambe. Il en a gardé des séquelles et sa carrière de football a été foutue. L’autre incident fut le décès du gardien Dondo du F.C. Daring, victime d’un coup de bottine salaud sur la tête, gracieuseté de Pélé Lembe du F.C. Himalaya, je crois. Je n’oublie pas non plus ce match entre l’équipe des Black Stars du Ghana et nos Lions au cours duquel notre onze national fut malmené et ridiculisé.  Lorsque l’équipe Ndili-Sports, équipe de la 2ème division dont je fus président, gradua en 1ère  division, j’étais là à tous les matchs avec les membres de notre comité. Plus tard, j’ai assisté à une scène cocasse: le président Kibunda du F.C. Daring distribuait des pommes à la ronde à la tribune du club, disant : « Je vais vous pommer » Ah ! J’ai oublié de mentionner que, depuis que j’avais quitté l’école, j’avais déserté le « wenze » pour la  tribune. La télé m’a ouvert les portes de la tribune d’honneur.

À l’avènement du régime Mobutu, c’est là que, en 1968,  s’est déroulée l’Opération « Retroussons les manches » ou « Salongo alinga mosala » À cette époque-là la télévision en couleur n’existait pas encore. Je vois encore le président Mobutu, le général Mulamba, Victor Nendaka, Philémon Madudu et autres dignitaires en train de retrousser les manches de leurs chemises. Le vieux Madudu, qui habitait sur la rue Befale juste à côté du marché Gambela, aurait eu un enfant avec Cécile Kiandumba, l’aînée de notre famille. En effet, l’enfant en question a hérité des nom et prénom de son père. Il est actuellement âgé dans la quarantaine.

Encore une fois, revenons à nos moutons ! Plus tard, rebaptisé Stade du 20-Mai, le célèbre amphithéâtre, qui abritait l’École Supérieure d’Éducation Physique,  était devenu le lieu habituel des rendez-vous du président Mobutu avec le peuple. Tous les rassemblements populaires y avaient lieu, retransmis en direct à la télévision..

C’est là que le président Mobutu a annoncé le « recours à l’authenticité », la naissance du M.P.R., parti unique et son slogan « M.P.R. égale servir et non se servir » Kudiakubanza a été présenté dans le même stade au peuple comme un traître à la nation. Il a été invité, sous les menaces du président écumant de colère en direct devant les caméras, à lire sa fameuse lettre signée « Kuku Jean de Dieu » adressée, semble-t-il, à des ennemis occidentaux de Mobutu. Cette scène-là m’a vraiment marqué et m’a foutu à jamais la frousse du président Mobutu. J’avais un vague souvenir du 1er juin 1966 et de la pendaison des Martyrs de la Pentecôte mais cette scène-ci s’est déroulée pratiquement sous mes yeux. Je n’en revenais pas ! C’est encore là, au Stade du 20-Mai,  que le président a appris au peuple qu’il y avait dix millions de femmes plus que d’hommes au Zaïre. Je revois encore une autre image, celle du président Mobutu s’en prenant à Mario Cardoso et s’exclamant : « Milimu ya bankoko ekolanda ye ! » Je me souviens de l’autre anecdote qui a fait jaser plein de gens : « Soki oyibi, koyiba nyonso te; tika ndambu » Cardoso a regagné le pays plus tard. Les linges sales ont été vite lavés en famille !

Je me rappelle ces panneaux grand format où l’on voyait le président Mobutu. L’un d’entre eux était planté au sommet du « wenze » de « Moscou », le fief des fans Vert-Noir et tournait le dos au quartier Immo-Congo, rebaptisé du 20-Mai, à la hauteur de la résidence des parents d’Émilie, mon ex. fiancée, décédée. Il y avait aussi cet arrêt où je prenais l’autobus que ce soit lorsque j’habitais à Limete chez Marie-José Dikumba, ma soeur dont je suis le puiné, alors que j’étais encore sur les bancs de l’école, que ce soit plus tard une fois engagé comme secrétaire communal de Ndjili. Mes présences au stade se firent sporadiques depuis que je devins réalisateur et surtout chargé d’antenne  à Télé-Zaïre. Lorsque je parvenais à me libérer, j’avais hâte de rentrer chez-moi prendre une petite sieste.

Je noterai également les grands événements sportifs dont ceux de la Coupe d’Afrique de football, le fameux match opposant notre équipe nationale au F.C. Santos du roi Pelé, ceux livrés contre des équipes belges et françaises dont le F.C. Olympique de Lyon, les combats de boxe impliquant respectivement Mamba Shako, ex. champion africain des poids moyens et Betchika, aspirant au même titre. J’oeuvrais déjà à Télé-Zaïre quand ces deux combats ont été diffusés en direct. Ils ont été réalisés par Lutu Mabangu. Je dois lui avoir servi d’assistant dans le dernier, je crois. Je me souviens d’avoir réalisé, à la demande du directeur de l’hôtel Memling,  la publicité du combat de Betchika qui a été diffusée au Ciné Palladium et à la télévision. Et que dire du fameux combat du siècle Ali-Foreman retransmis dans le monde entier par satellite ? Je me trouvais à la station de la Gombe en qualité de réalisateur d’antenne. Nous avons passé une nuit blanche ce jour-là. Plus tard, à l’époque de la Cité de la Voix du Zaïre, George Foreman, devenu prédicateur, est revenu présider une campagne évangélique dans ce même lieu. Il y a eu beaucoup d’autres événements politiques et adresses au peuple qui se sont déroulés au Stade du 20-Mai notamment d’autres meetings populaires et événements de grande importance dont les anniversaires soit du 30-Juin soit et surtout du 20-Mai.

Dans un passé récent, alors que je me trouvais déjà en dehors du pays et avant l’érection du Stade des Martyrs, d’autres rendez-vous importants dont des concerts, rassemblements politiques et des campagnes publicitaires ont eu lieu dans ce grand amphithéâtre, vestige incontournable de notre histoire.

Voilà pourquoi, à la fois cadre et témoin de tant d’événements historiques, le Stade du 20-Mai mérite d’être considéré comme un monument historique.

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