Kinshasa va-t-elle disparaître? # 3.

Publié le par Vieuxvan

Kinshasa va-t-elle disparaître #3.

Je viens, une fois de plus, de constater que la route a encore fait des victimes. Cette fois, ce sont deux vedettes de la télévision qui viennent d’être fauchés sur un tronçon du Bas-Congo.

Godard Mabokoy et Christelle Kawanga de Télé 7 fauchés sur la route de leur destin

J’ai eu des amis et connaissances qui nous ont quittés définitivement, victimes de la circulation à Kinshasa et sur les routes qui partent de la capitale vers les régions voisines. Dans un de mes articles intitulé « Bas-Zaïre à la mer », j’ai évoqué le triste sort de l’ancien animateur Tshibangu Njilamule, décédé dans des conditions tragiques sur cette route où son bras fut sectionné, ce qui causa sa mort parce qu’il avait perdu beaucoup de sang. Au début des années 60, Paul Malu, un ancien condisciple de classe à Mbansa-Mboma est décédé au croisement du boulevard du 30-Juin et de l’avenue Kasa-Vubu, happé par un automobiliste fou, alors qu’il roulait sur sa moto. Il venait de se faire inscrire à l’Université de Kinshasa. Originaire de Boma, il fut l’un des frères du professeur Malu. Son frère cadet fut secrétaire particulier de Me José-Patrick Nimy, alors directeur du Bureau du président de la République. Bavon Marie-Marie aussi est mort victime d’un accident à Bandalungwa. Il avait heurté de front à grande vitesse l’arrière d’un camion poids lourd qui était stationné sur la route. Farya, président de l’A.C Juventus, mourut lorsqu’il fut percuté par le camion d’un chauffard roulant à une vitesse d’enfer. Chaque année, le boulevard Lumumba, la route menant vers Matadi et celle qui achemine vers Bandundu ne cessent de s’avérer fatidiques pour beaucoup de Kinois voyageurs.

10 oct. 2009 ... 23 morts dans un accident de la route entre Kinshasa et Kikwit -

Les accidents qui endeuillent notre belle ville sont causés par diverses raisons.

Il y a d’abord les excès de vitesse. Dans chaque ville, des panneaux indiquent la limite de vitesse permise. Cela dépend de l’artère ou de la rue où l’on se trouve, de son environnement et des heures. Par exemple, à proximité d’une école, aux heures de pointe, la vitesse des automobiles est limitée. En plus, une femme brigadier est présente pour aider les enfants à traverser la rue. Elle est habillée en conséquence pour être facilement identifiable et elle trimballe avec elle un panneau qui mentionne « Stop » qu’elle brandit en direction des automobilistes chaque fois qu’un enfant ou un groupe d’enfants s’apprête à traverser. Je n’ai pas connu ce genre de brigadiers à notre époque. Les limitations de vitesse peuvent également s’appliquer à proximité d’usines d’où sortent des véhicules poids lourds ainsi qu’à des virages dangereux. Les chauffeurs le savent mais souvent ils n’en font qu’à leur tête.
Jadis, les conducteurs de fula-fula sont parmi les grands meurtriers de la circulation à Kinshasa. L’appât du gain leur faisait sciemment ignorer le code de la route en ce qui a trait à la limitation de vitesse.
A 25 dans une camionnette servant de taxi, entassés sur des banquettes en bois même pas fixées au sol, les kinois se déplacent a travers leur capitale. Le taxi "fula-fula" s'arrête n'importe où sur la rue, bloque complètement la circulation pour laisser descendre un passager, repart en brinquebalant sans regarder si un autre véhicule arrive, fait un écart à gauche sans clignoteur pour éviter un trou, tend la main pour payer au passage le policier qui voudrait le controler... tout est chaotique à Kinshasa.
Il y a eu beaucoup de fula-fula causant la mort sur le boulevard Lumumba. J’ai déjà vu un chauffeur de fula-fula qui, après avoir provoqué un accident mortel à la hauteur de la 12ème rue, a été passé à tabac par les passants. Un autre a eu la vie sauve en se réfugiant au Commissariat de la 12ème rue à Limete, abandonnant toute sa recette de la journée aux mains de son boy-chauffeur, lequel s’est fait rudoyer puis dépouiller de sa trousse. Par le passé de nombreux renversements de fula-fula et « Kimalu-Malu » ont eu lieu à cet endroit dans la journée. La radio-trottoir racontait qu’une femme fantôme se promenait entre les 12ème et 14ème rues, qu’elle surgissait à l’improviste devant les voitures et autres véhicules roulant la nuit, occasionnant des renversements d’automobiles.
L’alcool au volant est aussi un facteur à l’origine de beaucoup d’accidents.  Il est certain que quelqu’un, qui conduit avec des facultés affaiblies, ignore les limitations de vitesse et se permet des refus de priorité. Dans ces conditions, il constitue un vrai danger public. Au Canada, les peines pour ivresse au volant sont très sévères.  Mais les récidivistes ne manquent pas. Alors, imaginez-vous dans une ville comme Kinshasa où les gens font la fiesta 24 heures sur 24 et où certains se fichent éperdument de la vie d’autrui! On pourrait, par contre, comme c’est le cas ici, créer une entreprise à but non lucratif qui pourrait raccompagner chez eux les personnes qui, pour avoir trop bu, ne peuvent conduire. Ici ça donne d’excellents résultats.  Avec la vulgarisation du téléphone cellulaire, ce serait une solution idéale. Ici, au Québec, il existe un organisme appelé « Opération nez rouge » qui s’en occupe parfaitement bien.
Les excès de poids aussi sont souvent en cause. De nombreux véhicules se renversent parce qu’ils ont pris trop de gens à bord sans compter les bagages.
Sur les trois routes que nous avons signalées, cela arrive souvent. Les passagers sont entassés sur des sacs de « Bimpuka » dans des véhicules prêts à craquer. Au moindre obstacle imprévu, c’est la catastrophe. Il existe également des zones interdites aux véhicules poids lourds parce qu’ils prennent trop de place sur la chaussée. Les camions militaires font partie des poids lourds qui ont déjà coûté la vie à bien de concitoyens.

À propos de camion militaire, je peux vous raconter une mésaventure authentique qu’a vécue Paul Basunga Nzinga. Il revenait du stade de 20-Mai où il avait été décrire un match en direct. Il avait parqué sa petite Volkswagen à côté d’un des parcs devant le stade. Au moment où il démarrait, sa petite voiture fut accrochée par un grand 12 roues de l’Armée nationale puis entraînée sur une longue distance, percutant d’autres voitures stationnées.  Les gens alentour se mirent à crier et à faire signe au militaire chauffard. Il s’arrêta, descendit de voiture et dut affronter Paul Basunga, furieux des dégâts causés à sa bagnole. Mine de rien, le soldat haussa les épaules :

Nzambi, edjali faute ya motuka! Mua likekele wana namonaki yango te !

Pour lui, une Volkswagen c’était comme un grillon ; elle était tellement petite, donc insignifiante à ses yeux, qu’il ne l’avait pas aperçue ! Aussitôt dit, il remonta aussitôt dans son véhicule, laissant Basunga dépassé et impuissant.  « Faute ya motuka » ! J’ai beaucoup entendu cette expression dans la bouche des Kinois. C’était lorsqu’il y avait un problème avec les freins. Mais dans le cas de notre ami Basunga, c’est comme si le camion en cause pouvait avoir des yeux !

Comme je l’ai souligné dans le précédent article traitant du même sujet, ce sont les conducteurs qui doivent être sensibilisés pour qu’ils cessent de faire comme si la route leur appartenait à eux seul. Ce n’est pas seulement la vie d’autrui qu’ils mettent en danger mais aussi leur propre vie.

Je répète ce que j’ai affirmé à propos des pancartes de signalisation. Il est impérieux d’éduquer les usagers de la route, à commencer par les conducteurs d’automobiles. Les médias devraient être impliqués dans ces campagnes.

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